Le CaféZoïde est un lieu fait par et pour les enfants. Surtout, c’est un lieu solidaire qui propose des prix défiant toute concurrence, car le but est d'être accessible à toutes et à tous. Au “café des enfants”, on s’entraide pour créer un espace de jeu et de rencontres à moindre coût.
Article de Radidja Cieslak
Un accueil pour toutes les bourses
Tumulte bruyant et bariolé, le CaféZoïde ne désemplit jamais. Niché dans une ruelle du 19ème arrondissement, le “café des enfants” résiste aux assauts impétueux de la gentrification. Dans ce quartier bobo, il dénote, avec son apparence rustique et sa décoration plutôt artisanale. Et tandis que le prix de la vie augmente, les bénévoles mettent un point d’honneur à rendre leurs services toujours plus accessibles. Aujourd’hui, une soixantaine de repas sont servis. Prix de l’assiette garnie de produits bio : 6€. Pour les enfants, c’est seulement 3€. Comment est-il possible d’avoir de tels prix ? “On ne s’en sort pas”, s’exclame Khadija, bénévole et co-présidente du lieu. “Mais c’est comme ça, on trouve toujours des financements. On est en lien avec des magasins bio, et des producteurs locaux pour avoir de meilleurs prix.” "Regardez-moi cette assiette”, s'exclame-t-elle. “Qui fait ce genre de plat à ce prix-là ? Choux-fleurs, haricots rouges, pommes de terre… C’est complet.”
Des activités sont régulièrement organisées au café. Théâtre, jardinage, musique, jeux vidéo, dessin… Les enfants ont l'embarras du choix. “On leur demande d’adhérer”, explique Yumi, 23 ans et bénévole ici depuis un an. “C'est 8 € par an. C’est rien du tout, mais c’est une participation symbolique, ça permet de les impliquer.” Les prix ne doivent pas être un frein. Il y a des tarifs adaptés aux situations individuelles. “Après les enfants ont le choix de participer ou non aux ateliers. Ils peuvent aussi venir juste pour discuter avec nous.”
À l’étage, Khadija sert les assiettes fumantes du déjeuner. En plus d’être bénévole, elle est aussi maman de six enfants, et n’a pas une minute à elle. L’échange est entrecoupé de coups de fils urgents. “Je suis là depuis 15 ans, tous mes enfants ont grandi ici ! Adam, mon fils a maintenant 21 ans, il venait déjà à 3 ans.” C’est une femme de poigne qui ne mâche pas ses mots. Elle n’hésite pas à restaurer le calme quand le brouhaha l’empêche d’être audible. “Les réunions sont ouvertes, on veut que tout soit transparent. On ne cache rien, ni sur la gouvernance, ni sur la trésorerie. C’est ça qui m’a donné envie de rester.”
Un joyeux brouhaha solidaire
Barbara, jeune maman serbe, est venue avec son fils de 3 ans, Bogdan, qui tape joyeusement sur un xylophone. “Cet endroit, c’est bien même pour les parents, pour échanger. On s’est installés dans le quartier et ça nous a permis de faire des rencontres.” L’esprit de solidarité qui règne ici permet aux jeunes parents de souffler un peu. Barbara revient régulièrement car “c'est ouvert à tout le monde, il y a une bonne ambiance, tout le monde s’aide. Ici je prends le temps de manger, alors qu’à la maison c’est difficile," dit-elle en regardant son petit garçon, absorbé par ses découvertes musicales.
Cet esprit de solidarité réside en particulier dans l’implication de plusieurs bénévoles au sein du Cafézoïde. Sandra est bénévole ici depuis le mois de mars. Elle est au chômage depuis plus d’un an. “J’étais porteuse de projets. Comme je ne travaille plus, je cherchais à faire du bénévolat avec les enfants.” Elle tombe sous le charme du lieu. “Ici, les enfants sont très autonomes, il y a des gens de tous les horizons…” Sandra explique avoir passé au crible les autres “cafés-poussettes” parisiens. Résultat : “Aucun n’a la même ambiance que celui-ci. La plupart des cafés-poussettes sont hyper chers.”
Le café est aussi un lieu de médiation. “Les enfants viennent y trouver un échappatoire”, explique Yumi. “Parfois ils ont des problèmes familiaux, ils vont vouloir en discuter. On les aide comme on peut. On les oriente, et on fait des signalements s’il le faut.” Dans l’équipe, il y a aussi des travailleurs sociaux et des éducateurs formés à ces situations. Lui-même envisage de faire une validation d'acquis pour justifier de son expérience auprès des enfants. Un an là-bas aura été formateur.
Le lieu se veut solidaire et accessible. En place depuis 21 ans, il semble avoir réussi son pari. C’est vrai que pour le tarif, ils sont imbattables. Et pour cette atmosphère si joyeuse, peut-être aussi.
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