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Photo du rédacteurEtienne Morisseau

Or Périph : Des reportages qui vont plus loin que juste te montrer !

Depuis la rentrée, la rédaction d'Or Périph a posé ses valises au 5ème étage de Césure. Caméra et micro à la main, les journalistes de ce jeune média partent sur le terrain pour rendre compte des actions associatives et solidaires qui fourmillent au cœur des banlieues de Paris. Nous sommes allés à la rencontre de son fondateur et rédacteur en chef, Clément Dechamps.


Entretien réalisé par Étienne Morisseau


- Quelles sont vos trois missions principales chez Or Périph ?


- Aujourd'hui, on évolue dans une société très atomisée, où chacun est dans sa petite vie, dans sa petite existence. J'ai la sensation que le rôle principal d'un média comme Or Périph, c'est de rapprocher les gens et de faire tomber les barrières. De montrer qu'au final, on est tous humains et qu'on a plein de choses en commun.


- Logique pour un média sur la banlieue qui est, par définition, à l'écart de Paris, et même éloignée des autres banlieues...


- Oui, clairement. Quand je dis rapprocher les gens, c'est en matière de classe sociale, d'origine, de culture, mais également géographiquement. Raccourcir les distances et créer des connexions, c'est ça, le but.


Même dans le journalisme, il y a plein de rédactions, plein de confrères et de consœurs qui ne passent pas le périph, qui restent intra-muros. Parce qu'il y a tout un imaginaire un peu négatif autour de la banlieue : c'est inintéressant, dangereux, vide... Un imaginaire collectif complétement faux.


- Qu'est-ce qui t'as donné envie de t'intéresser à ce sujet-là ? Est-ce que toi-même tu viens de banlieue ?


- J'ai fait mon lycée dans le 95. Entre mes 15 et mes 19 ans, j'ai vécu à Ermont, à 25 minutes de la gare du Nord en train. C'est une banlieue résidentielle, mais une banlieue quand-même.


C'est un peu l'âge où tu te construis, où tu vas à tes premières soirées, etc. Et tu te rends compte que ton quotidien n'est pas le même qu'un lycéen qui habite dans le 11e arrondissement parisien. Il y avait vraiment une séparation : "On va à Paris, on ne va pas à Paris. Ah, toi tu viens de Paris, toi tu viens de banlieue..."


Quand tu vas à Paris faire la fête, au moment de rentrer c'est soit le dernier train, à minuit et demi, soit le premier à cinq heures. On a passé des nuits blanches comme des schlags jusqu'à 5h30, parce qu'on n'avait pas de transport. Rien que ça, ça crée une distance entre les jeunes.


- Le but du média, c'est de rendre compte de ce qui se passe en banlieue, qu'il n'y a pas forcément besoin de se rendre à Paris pour voir les choses bouger ?


- Carrément, surtout des élans de solidarité. Il y a des gens qui se bougent et qui font des choses incroyables au niveau local. Et il y a un vide médiatique autour de ça. Pourtant, la culture des quartiers populaires est en train de prendre une place énorme. Il y a un monde associatif foisonnant dans les quartiers populaires et je trouve ça magnifique !


Mais, pour être clair, Or Périph n'est pas un média sur les quartiers populaires. On s'intéresse à la banlieue parisienne, et il s'avère qu'en banlieue parisienne, il y a plein de quartiers populaires, comme le 93 qui est le département le plus pauvre de France (métropolitaine, ndlr). Mais on est avant tout un média sur la grande couronne parisienne et sur la solidarité qui s'y développe.


Pour moi, l'Ile-de-France est une belle photographie de la société française. Tu as des pauvres, des riches, des agriculteurs et des ouvriers, de toutes les nationalités, de toutes les ethnies...

- Vos productions s'adressent aux habitants d'IDF ?


- Pas seulement... Je pense qu'on peut toucher des gens qui habitent partout ; tu as vu les sujets ? Handicap, migration, violence conjugale, sans-abrisme, etc. Ce sont des réalités qui touchent toute la France.


- Première mission donc. Est-ce que tu en as deux autres à nous donner ?


- Donner de la force... [il se reprend] Pas de la force, ils en ont déjà de la force. Plutôt mettre en lumière le monde associatif. C'est un acteur indispensable aujourd'hui, pour préserver le lien, pour venir en aide aux personnes fragilisées. L'État a beaucoup de manquements, et c'est le monde associatif qui est sur le terrain. En train de mener un combat qui est dur, ingrat, mal payé...


J'ai beaucoup de respect pour les gens qui bossent dans le social. Ils sont qualifiés, compétents, pleins d'énergie. Ils pourraient se faire de la maille à la défense. Mais non, ils sont sur le terrain, à 1 500 € net, et c'est pour ça qu'on veut les mettre en lumière.


- Il te reste une troisième mission.


- Je dirais... Donner un peu de d'espoir.


- C'est un média positif ?


- Grave. Résilient, dans le sens où on ne baisse pas la tête.


Parce que, franchement il y a de quoi perdre d'espoir. Le monde va mal, mais j'ai pas envie de me tirer une balle, ni de déprimer, et je me dis que peut-être, des reportages comme ceux qu'on fait peuvent donner un peu d'espoir dans l'humain et dans le futur.


On n'est pas non plus un média des bonnes nouvelles. Quand je te parle d'une association qui vient en aide à des mamans qui n'arrivent pas à nourrir leurs bébés en Ile-de-France, je n'appelle pas ça une bonne nouvelle.



On a 50 000 nourrissons en IDF qui ne mangent pas tous les jours, ou qui n'ont pas de quoi bien grandir, ce n'est pas une bonne nouvelle. Mais au lieu de simplement rendre compte, on va un peu plus loin et on dit : "Regardez, ça ne va pas, mais il y a quelqu'un qui se bat."


- Tu interviewes des personnes qui ont eu des vies compliquées, qui sont dans des situations délicates. C'est pas trop dur de briser la glace ?


- Putain, il n'y a rien de plus intrusif qu'une caméra braquée sur toi ! Mais c'est le job du réalisateur, d'arriver à faire accepter sa caméra.


- Tu as des techniques pour détendre tes interlocuteurs et interlocutrices ?


- La meilleure technique, c'est la transparence dans tes intentions. "Qu'est-ce que je vais faire, pourquoi je te filme, comment je te filme, dans quel but..." C'est du consentement ++, et même quand c'est consenti, on en remet une couche. "Tu es sûr que je peux te filmer ? Regarde, je te montre ce que ça donne." Et surtout, il faut prendre le temps.


- C'est quoi pour toi un beau reportage ?


- Bah, un reportage Or Périph !



Un bon reportage, c'est un reportage qui te fait sentir en immersion sur le lieu, dans l'image comme dans le son, qui va plus loin que juste te montrer. Où tu apprends, tu comprends un peu les dessous. Un reportage où il y a du relief et où il y a de l'humain. Où ça rigole, où ça tremble un peu, ça bouge... Pas le truc aseptisé.


- De toutes vos productions, c'est lequel ton reportage préféré ?


- Un seul c'est dur, il y en a trop. Mais je dirais peut-être toute l'aventure Camplus.


C'est une asso qui né à Sarcelles et qui se bat pour l'égalité des chances pour les jeunes de quartier populaires. En gros, l'idée, c'est de prendre 40 jeunes, de 16-17 ans, et de les emmener en séjour éducatif, entre vacances et travail. Pendant une semaine, ils font des jeux et des ateliers pour travailler la confiance en soi, l'orientation, le CV, l'art oratoire... Et puis ça rigole, ça danse, ça joue au foot, tout ça en même temps.



C'est incroyable ce qu'ils font, ça m'a choqué la qualité du programme, ils vont vraiment au bout des choses ! Et puis, je considère que ça c'est de la vraie politique, dans le sens où ils vont pas attendre les aides publiques. Non, c'est : "Nous, on va créer des programmes pour nos petits frères et nos petites sœurs, pour les faire grandir et pour que ce soit les avocats, les médecins et les politiques de demain."


- C'est comment de créer un média indépendant ?


- Financièrement ?


- Même mentalement, ça va ?


- Franchement, ça dépend des jours. Il y a des moments où tu en as vraiment marre, mais dans l'ensemble, je suis content. C'est une liberté de fou, j'ai vraiment de la chance de pouvoir aller à la rencontre de tous ces gens.


Enfin, tu imagines tout ce que j'apprends, moi, quand je rencontre des éducateurs, des psychologues, des porteurs de projets, des travailleurs sociaux... C'est une chance pour moi, je me nourris de ça, donc journalistiquement c'est un kif. Après la charge mentale elle est là. C'est normal, c'est comme tous les entrepreneurs.


- Cela doit être difficile de trouver des financement, de réussir à te démarquer des autres médias. Comme tu gères cette compétition ?


- Si je le voyais comme une compétition, je serais déjà mort, parce que certains sont beaucoup plus forts que moi. Surtout sur Youtube, on est foudroyé par le talent de certains youtubeurs et youtubeuses. J'ai pas du tout envie de voir ça comme de la concurrence.


Je préfère voir ça comme dans une rue : quand un resto s'installe à côté du tien, on peut voir ça comme une mauvaise nouvelle, mais en vrai c'est une bonne nouvelle, parce que plus de gens viendront dans la rue. Là, c'est pareil : si on est plus de petits médias indépendants à développer de nouveaux récits, il y aura plus de public pour nous écouter. Et puis, si un jour j'arrête, je serais content qu'il y ait une relève !


Qui est-ce qu'on voudrait toucher ? Tout le monde en vrai. Pour moi le rêve ce serait d'arrêter de prêcher les convertis. J'aimerais bien que mes reportages passent sur Cnews ou BFM, ça aurait de l'impact !

- Est-ce que tu peux nous conseillé un média ou un reportage qui t'a marqué ?


- Il y a un film moi qui m'a marqué, ça fait plaisir d'en parler. Cela s'appelle Les rivières, c'est un film de Mai Hua. C'est un documentaire sur les relations intrafamiliales, un chef-d’œuvre.


Après, il y a tout le travail de Camille Courcy de Brut, que j'adore, qui m'inspire beaucoup.


Et puis la chaîne Youtube du New Yorker, où il y a des docus assez stylés à l'américaine, c'est très cool.


- C'est quoi la prochaine grosse actu d'Or Périph ?


- Pour la rentrée, on s'est mis sur un rythme hebdomadaire, on sort un reportage tous les lundis soirs. C'est ambitieux, mais réaliste. Et pour le premier, on a sorti un épisode d'un nouveau concept, une enquête de solution, sur le sujet de la prostitution des mineurs.



- Est-ce que tu as un message à passer au lecteur qui est arrivé au bout de cette interview ?


- Franchement, viens nous rencontrer. Si l'interview t'a intéressé ou si le média Or Périph te plaît, notre porte est ouverte. Ecris-nous sur Insta si le journalisme t'intéresse ou juste si tu veux papoter avec nous, partager ton ressenti... On ne l'a pas assez fait d'ouvrir notre rédac, de rencontrer les gens, il faudrait le faire plus. Donc si vous voulez nous rencontrer, écrivez-nous, et on ira prendre un café !


- Enfin, tu viens de t'installer à Césure. Comment tu décrirais ce lieu en une phrase ?


- Un écosystème très stimulant.


Moi, j'aime trop, tous les jours je rencontre de nouvelles personnes, ça me porte. Des vidéastes, des réalisateurs, des graphistes... Et aussi dans le social, parce qu'on rencontre même des gens qu'on pourrait filmer à l'avenir !


Clément Dechamps - Rédacteur-en-chef
A savoir : Or Périph recherche une personne en service civique ! Pas de compétences spécifiques, mais "quelqu'un de motivé, qui veut faire du bon journalisme !"

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