La rentrée du plaidoyer d'ESS France était marquée cette année par l'anniversaire des 10 ans de la loi visant à promouvoir l'économie sociale et solidaire (ESS). L'occasion d'un bilan en demi-teinte pour ce secteur, pourtant mieux reconnu.
Reportage de Julie Tezkratt
La ministre Olivia Grégoire était présente à la rentrée d'ESS France. Crédit photo : Pierre Szlingier
Privilégier la solidarité, la participation démocratique et la recherche du bien-être commun plutôt que la seule recherche du profit. Sur le papier, tout le monde est d'accord. Pourtant l'ESS est loin d'être la norme dans le monde économique français. L'événement de rentrée du plaidoyer de l'association ESS France, intitulé « 10 ans après la loi ESS, développer le pouvoir transformateur de l’ESS », a réuni des experts et des acteurs pour tenter de trouver quelques réponses.
La France a une longue histoire de capitalisme et d'entreprise privée. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, souligne la singularité du secteur : "C'est une économie à part entière, inspirante, prometteuse, grâce aux femmes et aux hommes derrière, avec qui j’ai beaucoup appris. Je crois vraiment que dans le monde actuel, il ne faut pas perdre l’essentiel. En tant que ministre, c’est d’être capable de bâtir des politiques et de les tenir."
Une économie peu connue
Les entreprises de l'ESS sont soumises à des réglementations spécifiques qui peuvent compliquer leur création et leur gestion par rapport aux entreprises traditionnelles. Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, en a bien conscience : "La loi de 2014 a des vertus, mais il ne faut pas la transformer, la loi ne fait pas tout." Elle a également appelé à une "loi de programmation" pour mieux soutenir l'ESS financièrement.
L'ESS reste largement méconnue du grand public, y compris pour la ministre, Olivia Grégoire : "J’ai appris à la connaître, à l’aimer et quand on m’a proposé cet été le renouvellement de mon poste, j’ai accepté." Elle a souligné l'importance de sensibiliser davantage le public à l'ESS.
Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, prend la parole lors de l'évènement de rentrée d'ESS France. Crédit photo : Timothée Duverger
Passer d'une culture économique axée sur le profit à une approche plus sociale et solidaire peut s'avérer difficile pour de nombreuses organisations. Pour Timothée Duverger, ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux, il faut jouer la coopération pour se développer : "La reconnaisse est là, mais maintenant, il faut la développer, et faire des alliances : comment on fait en sorte que l’ESS fixe cette norme, et donne le cadre économique ?"
Les entreprises de l'ESS peuvent rencontrer des obstacles pour obtenir des financements. Frédéric Tiberghien, président de FAIR s'emporte : "Il faut rentrer dans quelque chose de plus politique. À l’INSEE, il y a une demi-personne qui s’occupe de l’ESS, tout le monde s’en fout, comme le ministre de l’Économie [Bruno Le Maire]. La ministre doit nous donner les moyens pour qu’on mesure notre impact !"
"Il faut arrêter que des gens s’enrichissent sur le dos de bébés, ou de personnes âgées !"
Un développement qui passera aussi par une vraie réflexion sur le sens, pour Claire Thoury : « Ce qui est indispensable, c’est qu’on se demande pourquoi on est ensemble ? L’ESS est une alliance artificielle, on a choisi d’être ensemble, mais pourquoi et qu’est-ce qu’on veut faire ?” En ajoutant : « Il faut arrêter de perdre du temps, il faut enclencher une politique commune, pour gagner des territoires, pour arrêter que des gens s’enrichissent sur le dos de bébés, ou de personnes âgées ! » La présidente du Mouvement associatif fait ainsi référence aux deux enquêtes récentes sur les profits des crèches privées et la maltraitance dans certains Ephad.
Le chemin vers une économie plus solidaire et socialement responsable est semé d'obstacles, mais le potentiel de transformation positive qu'elle offre continue d'attirer l'attention et de susciter l'intérêt des acteurs économiques et sociaux. Selon ESS France, pour que le secteur prenne une place plus importante en France, les pouvoirs publics doivent s'engager davantage et créer un environnement favorable. Le secteur représente plus de 200 000 entreprises, 15 % des salariés et 10 % du PIB. Des arguments de poids pour être enfin pris au sérieux.
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