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Photo du rédacteurPhilippe Lesaffre

Xavier Thévenard, champion de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc et défenseur des pics

Dernière mise à jour : 29 sept. 2023


crédit photo : F. A. Oddoux/UTMB)


Début septembre, l’Américain Jim Walmsley a remporté l’Ultra-trail du Mont-Blanc, une course mythique plusieurs fois remportée par le Français Xavier Thévenard. Cet athlète, que nous avons rencontré, s’engage pour les montagnes. Le natif du Jura aime s’y ressourcer, et pas juste pour franchir les lignes d’arrivée des courses auxquelles ce dernier participe depuis une décennie. “On fonce droit dans le mur, on court à notre perte”, nous indique-t-il. Pas le choix, “il faut décroître”.


Article de Philippe Lesaffre


Le parcours avait démarré le 19 octobre 2022. Pendant 48 heures, Xavier Thévenard a traversé plusieurs départements franciliens en course à pied, à VTT et à bord d'un canoë-kayak. Il a emprunté à l'occasion de nombreux “corridors verts” du Bassin parisien, comme le bois de Vincennes, les rives de la Marne, la forêt domaniale d’Ermenonville, ou encore la forêt de Verrières. Autant de zones à préserver vaille que vaille. Voilà l'idée : parcourir plus de 300 kilomètres en deux jours, et échanger à plusieurs reprises avec des collégiens, notamment à Torcy, dans le Val-de-Marne, sur les kayaks.


"On n'entend pas les scientifiques"


Son obsession : sensibiliser à la protection de l'environnement, à ce qui nous entoure, les cours d'eau, les forêts, les prairies. Autant d'immensités que certains urbains ont d'ailleurs (re)découvert durant la pandémie, autant de spots très utiles en cas de fortes chaleurs, comme on l'a vu début septembre.

“La nature est partout, et on en a besoin”, souligne l'athlète, ambassadeur “Maif sport planète”, le programme de l'assureur (devenu société à mission en 2020), visant notamment à “promouvoir une pratique sportive écoresponsable”.

Xavier Thévenard se sent « investi » dans cette cause. « C'est important de faire comprendre vers quoi on se dirige », glisse celui qui est également devenu il y a quelques mois animateur de la Fresque du climat, un jeu ayant pour but de faire comprendre en particulier l'origine du réchauffement climatique au plus grand nombre.


“Tout s'accélère, s'insurge-t-il, les scientifiques sonnent l'alerte, mais on ne les entend pas.” Lui essaie de relayer les messages sur l'urgence à agir : “On va droit dans le mur si on continue de consommer et de produire autant, on a à décroître.” Comme l'avait observé Jacques Chirac en son temps, “la maison brûle, et on regarde ailleurs”.


« On court à notre perte »


En tout cas, pas Xavier, qui a passé une bonne partie de son enfance au niveau des Plans d'Hotonnes, une station de sports d'hiver, située dans la commune de Haut Valromey, dans l’Ain. Depuis toujours, il a l’œil rivé sur les cols blancs. Ceux de sa jeunesse, sur les terres pentues et perdues du Jura. Ceux qu'il a traversés tant de fois, pour le plaisir, ou pour la gagne, lui le triple vainqueur (en 2013, 2015, 2018) de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). Une épreuve de longue durée en pleine nature très réputée, faisant partie d'un ensemble de courses traversant la France, l'Italie et la Suisse.


Ce champion le voit, “les glaciers fondent”, et son pays d'origine est de plus en plus exposé au changement climatique. Durant l'été 2022, Xavier dit avoir été en particulier très touché par les feux de forêts touchant la région dans lequel il a grandi, dans le Jura. Là où il jouait avec ses frères et sœurs aux cow-boys, là où il construisait ses cabanes, dans les bois. “On était tout le temps à l'extérieur, ma prise de conscience vient sans doute de là. En grandissant, je me suis documenté, et j'ai compris qu'on courait vraiment à notre perte.”


Il le répète souvent. Sujet sensible. Les espaces naturels, les territoires de montagnes, il veut les sauvegarder. Coûte que coûte. C'est qu'il aime y mettre les pieds, autant que possible. Et pas que pour franchir les lignes d'arrivée, lui l'athlète de haut niveau. Car ce qu'il apprécie, c'est aussi flâner, prendre son temps, ralentir, contempler les paysages, méditer en solitaire, “crapahuter dans la montagne”.

“Dépassement de soi”

“Cela me rend heureux, je m'y sens bien, et on peut se dépenser”, indique celui qui a également toujours aimé le sport, aussi loin qu'il s'en souvienne. La course à pied, le ski de fond, notamment. Et puis un jour, à la fin des années 2000, il a compris qu'il avait du talent. Xavier a remporté une victoire, puis deux, puis trois. Le trail, c'est son truc, mais pas non plus son unique but.


Cela arrive, c'est tout, dit-il : “J'essaie surtout de faire du mieux possible, il y a une notion de dépassement de soi ; on voit comment le corps se comporte durant la course. Et comment il s'adapte. Parfois, on peut ressentir une grande souffrance, au milieu de nulle part, face à l'immensité des paysages, mais on finit par y arriver, et on termine l'épreuve.” Jouissif.


On sent bien le mélange entre l'amour de l'épreuve physique et l'envie de profiter des lieux. Qui tendent à disparaître, petit à petit... “Ce sont des territoires fragilisés par notre mode de vie, il faut les préserver, au moins parce qu'ils nous font vivre, nous apportent de quoi nous nourrir”, note le garçon. L’objet de son ire ? La démesure de certains. Comme le WWF l'avait expliqué dans un rapport en 2021, un mois d'enneigement en moyenne pourrait disparaître par degré de réchauffement. L'épaisseur moyen du manteau neigeux en hiver à 1 500 mètres dans les Alpes, par exemple, va diminuer de 30 % en cas de scénario à + 2° à la fin du siècle (on y arrive...), voire de 80 %, si on atteint les + 4°.


“Les sports d'hiver sont menacés”


Résultat : face à la menace de plus en plus concrète, de nombreuses stations de ski utilisent de la neige artificielle. “Elles veulent assurer leur survie, mais c'est absurde”, lâche Xavier, en soufflant. Oui, ce sport d'hiver est clairement “menacé” d'ici la fin du siècle, d'autant que cela fait venir, à chaque saison, des milliers de personnes au pied des monts. Les transports, les émissions carbone, tout ça, tout ça...


D'après lui, les professionnels ont tout intérêt à changer de pratiques, trouver des issues plus favorables, surtout plus durables, dit-il. L'enjeu, en particulier : diversifier les activités touristiques pour diminuer leur dépendance à une ressource – la neige – de plus en plus aléatoire. Que ce soit de la randonnée, du trail, du vélo, ou d'autres types de sorties en nature. “Métabief, dans le Doubs, par exemple, a compris les problématiques, et créé des infrastructures en ce sens. Alors que d'autres s'acharnent pour maintenir sous perfusion une activité, avec l'enneigement artificiel des parties skiables. Par exemple, à La Clusaz en Haute-Savoie...”


But du jeu : mobiliser les athlètes


L'essentiel est là : collectivement, il faut qu'on arrive à minimiser notre impact ; en d'autres termes, emprunter la piste... verte, celle qui nous permettra de limiter, le plus possible, les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, d'atténuer les effets déjà présents de la combustion des énergies fossiles. Xavier admet ne pas être scientifique, mais pense tout de même être légitime pour s'exprimer, en tant que sportif. Sa voix peut porter, et il peut convaincre d'autres athlètes d'entrer dans la danse. Pour le bien des cols blancs.


L'ambition : qu'ils et elles véhiculent les messages ensemble, pour toucher, in fine, toujours plus de monde. “Les sportifs ne parlent pas beaucoup de ces sujets, alors qu'ils pourraient devenir des ambassadeurs du climat. D'ici la fin d'année, j'aimerais bien que certains publient, avec moi, leur bilan carbone respectif.”


Selon les ingénieurs du cabinet Carbone 4, en moyenne chaque Français a émis en 2019 jusqu'à dix tonnes de CO2-équivalent par an en prenant en compte les produits consommés qui sont importés. “Or, pour atteindre la neutralité carbone, il faudrait diminuer à... 2 tonnes.” Sur Instagram, en août 2022, il renvoyait dans un post vers le simulateur Nosgestesclimat.fr, permettant de se tester. Lui-même explique faire des efforts, tente de réduire son empreinte. « J'en suis à 4, ce n'est pas parfait, j'en conviens... » Tout de même, le score est plutôt convenable.


Éveiller les consciences, ne jamais cesser, Xavier s'y emploie, vaille que vaille... en attendant les jours meilleurs. Et la reprise des courses, lui qui a été assez affaibli par la maladie de Lyme, en 2021.


Ce portrait a été initialement publié dans Le Zéphyr n°14 "Montagnes, merveilles et périls"

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