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La littérature accessible à tous grâce au travail de la maison d’éditions KILEMA et au FALC

La maison d’éditions KILEMA utilise la méthode Facile À Lire et à Comprendre (FALC) pour proposer des romans accessibles aux personnes ayant une déficience intellectuelle.


Cécile Arnoult, fondatrice des éditions Kilema.
Cécile Arnoult, fondatrice des éditions Kilema.



de Laura Perren (étudiante à l'ESJ Paris)


FALC, cet acronyme souvent méconnu du grand public, est une porte d’entrée vers la littérature pour les personnes qui connaissent des difficultés de lecture. FALC, pour Facile À Lire et à Comprendre, est une méthode créée dans le cadre du projet européen Pathways. Lancé en 2007, ce projet visait à favoriser l’inclusion sociale des personnes en situation d’handicap intellectuel, sous la houlette de l’association Inclusion Europe. En 2009, la Charte européenne FALC a été publiée. Elle définit les règles de base du langage facile à lire et à comprendre : phrases courtes sans négation, vocabulaire simple, beaucoup d’exemples, simplification logique de la structure et utilisation d’images, de pictogrammes ou d’illustrations pour rendre le texte vivant.

 

Aujourd’hui, environ 700 000 Français sont en situation de handicap intellectuel, soit près de 20 % de la population handicapée selon les chiffres du gouvernement.  Ces personnes sont directement concernées par la méthode FALC, mais ce ne sont pas les seules. Les dyslexiques, la population âgée ou encore les personnes qui maîtrisent mal la langue française y voient un réel intérêt : des classiques de littérature, comme le brillant Orgueil et préjugés de l’écrivaine britannique Jane Austen, leur sont désormais accessibles !


Une maison d’éditions unique en son genre


Donner l’envie de lire malgré les difficultés, c’est le créneau de la maison d’éditions KILEMA. Elle publie des livres d’un genre un peu particulier : des traductions d’œuvres en langage facile à lire et à écrire. La jeune entreprise a installé ses bureaux au sein du tiers-lieu parisien Césure, lieu des savoirs inattendus où se mêlent artistes, collectifs, médias indépendants, associations, jeunes entreprises et structures de l’économie sociale et solidaire.


Derrière KILEMA se cache une femme engagée, Cécile Arnoult. Cette ancienne traductrice passionnée de littérature fonde début 2022 sa propre maison d’éditions autour d’une cause qui lui tient à cœur : rendre la lecture accessible aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Cette cause, elle l’incarne depuis des années : sa fille de 19 ans est atteinte d’une trisomie 21 et connait des difficultés d’accès à l’écrit. A l’exception de livres pour enfants aux histoires souvent trop simplistes, il n’y a pas grand-chose à proposer à cette jeune femme pour contenter son appétit de lecture. Il fallait donc y remédier.


En France, KILEMA est la seule maison d’éditions spécialisée en FALC. A ce jour, 29 titres ont été traduits en langage FALC, des romans jeunesse, ado, adulte ainsi que des pièces de théâtre. « Nous avons créé une cinquième collection en juillet dernier, « Vivre et découvrir ». C’est une série documentaire où nous demandons à des auteurs d’écrire en FALC sur un sujet spécifique. Le premier livre est issu d’un partenariat avec le musée d’Orsay et raconte l’histoire de l’impressionnisme », explique Cécile Arnoult.


Des livres qui peuvent être étudiés à l’école


Dans les collections KILEMA, on trouve de célèbres classiques, comme Le vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway ou L’étranger d’Albert Camus, mais également de la littérature contemporaine. L’adaptation du roman La Tresse de l’écrivaine française Laetitia Colombani a conquis de nombreux lecteurs, tout comme la version revisitée du Petit pays de Gaël Faye. « Cela montre qu’il existe un vrai besoin de littérature adulte en FALC. » La maison d’éditions ne propose pas de livres pour l’apprentissage de la lecture, mais ses livres peuvent être étudiés à l’école. Elle vise également la lecture récréative, à destination de ceux pour qui la littérature traditionnelle est trop compliquée.


L’un des publics ciblés, ce sont justement les lycées et les collèges. Si aujourd’hui, ces établissements se fournissent individuellement en ressources FALC, l’entrepreneuse à mission plaide pour une politique documentaire incluant les livres FALC dans tous les collèges. Pour cela, elle est en contact direct avec les ministères de la Culture et de l’Education Nationale, ainsi que celui du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles qui s’occupe des questions liées au handicap. « Avec nos ouvrages, nous voulons venir en appui à l’école pour tous, en donnant du matériel aux enseignants pour leurs classes Ulis (ndlr Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degrés) ou pour les élèves à besoin particulier, qui ont des difficultés de lecture », détaille la fondatrice.



Des traducteurs formés à la méthode FALC


A Césure, l’équipe de KILEMA est composée de six femmes qui ne se contentent pas d’éditer des livres, mais forment également les traducteurs à ce nouveau français simplifié. En France, la dizaine de traducteurs FALC sont tous passés par la maison d’éditions. S’il faut compter entre deux et trois mois pour traduire un ouvrage, les échanges avec l’équipe éditoriale restent nombreux. « Les traducteurs sont autonomes dès le quatrième livre qu’ils écrivent », sourit Cécile Arnoult.


Une fois un roman traduit, un second traducteur effectue une relecture, en confrontant l’histoire avec sa version originale. Puis, c’est au tour du comité de relecture de s’emparer du manuscrit. Dernière étape avant publication, chaque ouvrage FALC est relu par une personne en situation de handicap intellectuel. C’est la condition sine qua non pour apposer le logo FALC, et une manière de valider la compréhensivité du texte !


Jusqu’en 2024, KILEMA publiait chaque année entre 12 et 14 livres. Mais aujourd’hui, la jeune pousse doit ralentir la cadence, pour des raisons financières. La réalisation d’un livre FALC coûte en moyenne 30 000€, pour 2 500 exemplaires imprimés. Malheureusement, les ventes ne suivent pas toujours … En 2025 et 2026, seulement cinq titres seront publiés par année. « C’est dommage, nous avons donné aux gens un moyen de lire et maintenant nous allons les frustrer avec peu de publications à paraitre », regrette Cécile Arnoult.


Mais il en faut plus pour démotiver l’équipe KILEMA. Au sein de la structure, les nouveaux projets fourmillent, avec par exemple l’ouverture de la première librairie spécialisée en littérature accessible et adaptée. C’est au cœur du 17ème arrondissement de Paris que ce café-restaurant-librairie va s’installer. « Ce sera un lieu d’accès à la culture, aux savoirs et à l’emploi des personnes déficientes intellectuelles », se réjouit l’entrepreneuse. Ce lieu culturel est pensé par et pour les personnes déficientes intellectuelles, avec une offre exhaustive de toute la littérature accessible et adaptée. Côté parutions, plusieurs nouveaux livres seront bientôt disponibles. L’adaptation du Roi soleil est prévue pour septembre et, à l’occasion du salon du livre et de la presse jeunesse, la version FALC du roman jeunesse Le grand bain de Marie Lenne-Fouquet sera proposée. De quoi alimenter les lecteurs assidus de la littérature facile à lire et à comprendre.


Un chemin encore long pour l’accessibilité de l’information pour tous


Si en 2022, l’étude de l’Insee et de la Depp (Direction de l’évaluation, de la prospection et de la performance) chiffrait à 10% le nombre d’adultes âgés de 18 à 64 ans éprouvant des difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit, le travail sans relâche d’entreprises comme KILEMA offre des outils concrets pour réconcilier cette population avec la lecture.


Mais le chemin vers une meilleure accessibilité de l’information, en particulier pour les personnes en situation d’handicap intellectuel, est encore long. Si des initiatives innovantes voient le jour (on pense notamment à Cortex, la plateforme numérique française dédiée à l’accessibilité de l’information, de la culture et de l’éducation pour les personnes en situation de handicap), le média indépendant Handicap.fr déplore que trop peu de sites web, notamment publics ou médiatiques, proposent une version FALC de leurs contenus. En janvier dernier, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche s'est félicité d'avoir traduit l'une de ses circulaires en FALC. Il s’agit de la première traduction FALC d’un texte réglementaire. Selon la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, cette pratique devrait être généralisée depuis plusieurs année. Un premier pas certes encourageant, mais qui doit être suivi d’autres actions concrètes !







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