Le Moment d’agir : défendre nos libertés attaquées
- Le Moment 
- 1 oct.
- 4 min de lecture
Nos libertés sont attaquées. Pas en silence, pas dans l’ombre, mais au grand jour. On fragilise la recherche et on marginalise la science. On conditionne les associations et on affaiblit leur rôle citoyen. On concentre les médias et on bâillonne les journalistes.
Ces attaques n’ont rien d’accidentelles. Elles visent toutes le même objectif : réduire au silence les contre-pouvoirs, effacer les corps intermédiaires, affaiblir ce qui rend la société vivante et plurielle, ce qui fait démocratie.
Au Moment, nous refusons cette dérive. Nous avons choisi de consacrer cette saison éditoriale à trois libertés essentielles : la liberté de chercher, la liberté de s’associer et la liberté d’informer.

La liberté de chercher
La recherche scientifique est l’un des piliers de toute démocratie vivante. Elle éclaire les faits, argumente les choix collectifs, invente de nouvelles réponses, dément les rumeurs. Pourtant, elle est aujourd’hui mise sous pression.
Dans les universités, les financements se raréfient, les postes se précarisent, et la liberté académique recule. Des chercheuses et chercheurs alertent sur des ingérences politiques et idéologiques croissantes : dans certains pays, ce sont les programmes d’histoire qu’on réécrit, ailleurs ce sont les sciences sociales que l’on stigmatise. En France, la loi de programmation de la recherche a introduit des logiques managériales qui fragilisent l’indépendance des équipes, limitent le champ des possibles en surestimant les sujets utilitaristes.
Cette fragilité nourrit la montée des discours climato-sceptiques et complotistes. Là où les institutions de recherche devraient être renforcées, apparaissent des messages qui la délégitime. Les scientifiques qui alertent sur l’urgence écologique ou qui déconstruisent la désinformation vaccinale sont régulièrement attaqués sur les réseaux, parfois jusque devant les tribunaux.
La liberté de chercher, c’est le droit pour la société de s’appuyer sur un savoir critique, indépendant, ouvert. L’attaquer, c’est nous désarmer collectivement face aux crises écologiques, sanitaires et sociales. Pire c’est nous replonger dans une forme d’ignorance qui ne profitera finalement à personne.
La liberté de s’associer
Depuis plus d’un siècle, la loi de 1901 garantit à chacun et chacune la possibilité de s’associer librement. Les associations ne sont pas de simples prestataires de services : elles sont des espaces d’engagement, de solidarité, de création, de débat démocratique. Elles incarnent la vitalité citoyenne et le droit d’agir ensemble.
Aujourd’hui, cette liberté est menacée. Le Contrat d’Engagement Républicain, imposé en 2021, place les associations sous une forme de tutelle : un mot de travers, une prise de position jugée “non conforme”, et c’est la subvention qui s’évapore. Plusieurs structures ont déjà vu leurs financements supprimés pour avoir soutenu des mobilisations ou critiqué certaines politiques publiques.
La menace ne s’arrête pas là : des dissolutions administratives, prononcées au nom d’un pouvoir exécutif élargi, visent des collectifs militants ou des associations locales. Dans le même temps, la logique de marchandisation progresse : appels d’offres, mise en concurrence, externalisation de missions publiques. L’association n’est plus perçue comme un espace de vitalité et d’expression, voire un contre-pouvoir désiré, mais comme une PME au rabais, évaluée à la performance.
Pourtant, ce sont les associations qui tiennent nos territoires quand l’État recule : accueillent les plus précaires, luttent contre les inégalités, défendent et protègent l’environnement, participent à l’éducation, créent et produisent la culture, du village à l’autre bout du Monde. Les fragiliser, c’est attaquer un maillon vital de la démocratie, une vision du Monde qui semble cruellement manquer aujourd’hui.
La liberté d’informer
Une démocratie sans information libre n’est qu’une façade. Dans une société en rapide mutation, nos concitoyens ont besoin de connaitre les faits, de choisir leur information, de mieux cerner les enjeux, de comprendre les rapports de force, pour éclairer leurs choix et les partager avec d’autres. Or, en France comme ailleurs, la liberté de la presse recule.
Les procès-bâillons se multiplient : des journalistes d’investigation, des lanceurs d’alerte et des ONG sont poursuivis pour avoir révélé des affaires d’intérêt public. Même si la plupart de ces procédures n’aboutissent pas, elles épuisent les rédactions et instaurent un climat d’autocensure.
La concentration des médias atteint un niveau inédit : une poignée de milliardaires contrôle la quasi-totalité de la presse écrite, de la télévision et de la radio. Ce pouvoir économique se traduit en pouvoir éditorial : fermetures de rédactions, pressions sur les sources, réorientations idéologiques brutales. Les méthodes de Vincent Bolloré, comparées par de nombreux observateurs à celles d’Orbán en Hongrie, en sont le symptôme le plus visible.
Enfin, la confusion entretenue entre chaînes d’info et médias d’opinion brouille la frontière entre faits et propagande. Loin d’éclairer le débat public, ce brouillard favorise la défiance, manipule la vérité, instrumentalise chaque fait divers, sature les chaînes et les cerveaux, alimente les discours extrêmes, et nous éloigne peu à peu les uns des autres.
La liberté d’informer, c’est le droit de chaque citoyen·ne à une information indépendante, pluraliste et fiable. La menacer, c’est miner la possibilité même du débat démocratique.
Défendre ensemble
Ces trois libertés — chercher, s’associer, informer — ne sont pas séparées. Elles forment un tout. Quand la science est fragilisée, les associations contrôlées et les médias muselés, c’est toute la démocratie qui vacille.
Les libertés que nous pensions acquises peuvent s’éroder vite. La mécanique est insidieuse : quelques coupes budgétaires, quelques procès, quelques dissolutions, et ce sont des pans entiers de notre vie collective qui disparaissent.
Face à ces attaques, nous avons choisi une ligne claire : informer, enquêter, raconter les résistances. Donner la parole à celles et ceux qui refusent de se taire. Créer un espace où la liberté reste un bien commun, partagé et défendu.
Nos libertés sont attaquées. Nous choisissons de les défendre.
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