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Paris : Comment célébrer le ramadan lorsqu’on est queer musulman-e et parfois exclu-e ?

C’est dans un petit restaurant parisien, le 24 mars 2024, que Kmar et Amine ont organisé un iftar, le repas de coupure du jeûne durant le mois du Ramadan. La particularité ? Il s’agit d’un iftar solidaire pour les musulmans queers et isolés : une première en région parisienne cette année.


Dans ce restaurant du 19è arrondissement, spécialement aménagé pour l’occasion, trente personnes sont conviées pour pouvoir couper le jeûne du Ramadan, à 19h13 exactement. Ce soir, c’est la nuit de milieu de Ramadan : lilet ennoss. La salle se remplit doucement : certains viennent seuls, en couple ou entre amis. Pour quelques-uns, assister à ce genre d'événement est une première, pour d’autres, non.  À travers la pièce, l'odeur du bkour (encens naturel) et de la cuisine s'installent. Au menu ce soir : une datte (pour couper le jeûne), chorba, mhadjeb, bricks et couscous.  Le prix du dîner est libre. Puisqu’il s’agit d’un dîner solidaire, chacun-e peut payer le montant qui lui convient le mieux. D’ailleurs, en plus de couvrir les frais d’organisation de l'événement, une partie de l’argent récolté permet de soutenir une collecte de fonds en soutien à la Palestine, explique le collectif à l’origine de cet iftar solidaire et inclusif. Le collectif Uncivilized collective, queer, artistique, politique et décolonial, créé par deux jeunes artistes, Kmar et Amine, donne rendez-vous aux musulmans et musulmanes queers, souvent exclus et isolés durant ce mois sain. L’Imam et chercheur Mohamed Ludovic Zahed, publiquement homosexuel, qui organise aussi des iftars inclusifs à Marseille avec l'Institut CALEM, est l’invité exceptionnel de la soirée.



Crédits : Charles Fred


Un événement qui manquait à Paris


L’âge, le genre, le métier … tout le monde a l’air différent, pourtant, certains et certaines semblent se retrouver dans les récits de vie d’autres. Au-dessus de la musique et du brouhaha qui s’installe autour de la table, on discute d'identité, de coming-out et d'histoires d’amour. Lina*, Myriam*, Nora* et Fara* partagent le repas ensemble. Fara est artiste, et dans le cadre de son travail, elle raconte qu’elle devait annoncer son homosexualité à ses parents, par elle-même : “J’ai fait mon coming-out à mes parents il y a deux semaines. C’est pas passé”. Pour Myriam, aborder ce sujet est plus difficile. Il est hors de question de parler coming-out avec sa famille. D’un “non” de la tête, elle assure : “Ah non, moi ce n'est pas fait”. Elle répète : “Ce n'est pas fait”. Lina, de son côté, avec le sourire, explique qu’elle «le dit sans le dire» à sa famille. Elle développe : “Je les mets en confiance, tu vois ?”. Puis, dans la famille de Nora, on se doute de quelque chose explique-t-elle. "Ils se doutent. Ils me demandent : ‘Alors, les copains et les copines ?’".


Toutes et tous sont venus ici chercher un endroit dit safe, où ils peuvent pleinement s’affirmer en tant que queer et musulman.e. C’est pour cette raison que Nora a décidé, pour la première fois cette année, d'assister à un évènement iftar queer et inclusif ou «iftar famille choisie ». Elle témoigne : « Parfois il y a de l’islamophobie dans la communauté queer. Et parfois aussi, il y a de l’homophobie dans la communauté musulmane ». Nora ajoute que, via des groupes Facebook ou Whatsapp, elle a déjà organisé chez elle, avec 2-3 invité-es, des iftar queer ou “famille choisie” : “Je n’ai jamais assisté à un grand dîner, comme ça. C’est vraiment bien”.  Il y a trois mois, Kmar et son meilleur ami Amine ont créé Uncivilized collective, en partie, pour le même motif. Kmar dit au sujet du collectif :


«En tant que queer musulman, on se sent pas représentés. On avait besoin que cet espace existe »

“Vous n’êtes pas seuls”


En fin de soirée, alors que certains improvisent un atelier de henné, l’Imam Mohamed Ludovic Zahed lance une discussion de plus de deux heures sur la lecture du Coran, le wokisme/islamo-gauchisme, le pinkwashing, la sexualité et l’identité. Le fondateur de Homosexuel–le-s musulman-e-s de France (HM2F) plaide pour un Islam qui ne serait ni homophobe, ni misogyne.


Le dessert est amené à table : yaourt à l’orientale, avec de la pistache. Avec beaucoup d’émotion, l’occasion se présente pour demander conseil à l’Imam et chercheur, originaire d’Algérie : “Comment puis-je concilier ma sexualité et l’Islam?” ; “J’aime mes parents et j’aime ma copine aussi. Devrais-je faire mon coming-out à ma famille ? Je ne veux pas la perdre”. Chacun-e-s, avec leurs propres témoignages, soutiennent et répondent aux questions des uns et des autres. Fara, qui parlait de son coming-out plus tôt, témoigne et partage son vécu, pour essayer d’en rassurer certain-es : “Le plus important c’est toi-même”.  À travers des rires et des larmes, Lina prend le micro et rappelle ce que pourquoi cet événement solidaire pour les musulman.e.s queers et souvent isolé.e.s est né : “Vous n’êtes pas seuls”.


Au micro de lemoment.org, Uncivilized collective affirme que d’autres évènements de la même veine seront organisés : “Pas pour l’Aïd, ça sera plus tard. Mais on va organiser plus d'événements”.






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