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Radios associatives : bientôt le grand silence.

Dernière mise à jour : 23 oct.

Edito de Nicolas Bigards



“Moins de moyens, moins de voix.”
“Moins de moyens, moins de voix.”



Une radio locale qui s’éteint, ce n’est pas comme les élections, il n’y a pas de report de voix, il y a purement et simplement un silence assourdissant qui s’installe sur un territoire.  

Une radio locale qui s’éteint, ce sont des voix que l’on fait taire, et la démocratie qui s’efface par petites touches.

Une radio locale qui s’éteint, ce n’est pas non plus des parts de marché en plus pour les autres médias indépendants, mais seulement des lecteurs ou auditeurs frustrés et désabusés, et le carburant pour un sentiment grandissant d’abandon et d’invisibilisation.

 

Dans le projet de loi de finances 2026, les chiffres tombent comme une sentence : le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale passerait de 35,3 à 19,6 millions d’euros, soit une chute de 44 %, la plus violente depuis la création du dispositif en 1982. Seize millions envolés, et derrière eux des centaines de radios en sursis, des voix au bord de l’asphyxie.Mais la blessure est plus large : – 59 % pour l’économie sociale et solidaire, – 26 % pour la jeunesse et la vie associative. C’est tout un écosystème citoyen, culturel, coopératif, qui se retrouve pris dans la même marée descendante.Ce n’est pas un simple ajustement budgétaire : c’est un désengagement assumé de l’État vis-à-vis de ce qui fait lien social dans notre société. Et si ces coupes se confirment, ce sont des territoires entiers qui risquent de perdre leurs antennes, leurs emplois, et surtout leurs mots pour se dire. Et s’ils ne sont plus là, qui le dira à leur place ?


La lutte contre le populisme ne peut être l’apanage de seulement quelques médias se revendiquant haut et fort de l’antifascisme, et qui concentrent sur eux toute l’attention d’un landerneau économique et médiatique complaisant. Cette posture journalistique militante, tout honorable soit-elle, qui documente et dénonce au quotidien les discours et les actes xénophobes de l'extrême droite, fait malheureusement, trop souvent, l’impasse sur ce qui se passe insidieusement depuis quelques décennies dans notre pays, sur ce que pourraient être certaines causes profondes de la montée de l’extrême droite en France. Des classes ferment dans les écoles, des maternités disparaissent des territoires ruraux, les bureaux de poste tirent leur rideau dans les villages. Des associations locales font ce qu’elles peuvent pour pallier ces abandons. Aujourd’hui, ce sont elles qui sont menacées de disparaître.

 

Alors, peut-être devrait-on réfléchir vraiment aux causes de ces votes, chercher ailleurs que dans l’ignorance ou la bêtise supposée électeur·rice·s biberonné·e·s à CNews. Et peut-être qu’au lieu de titrer si élégamment « Comment convaincre les cons », nous pourrions nous poser la question de savoir si les cons, ce ne sont pas nous, et si ce genre de titre n’alimente pas encore un peu plus la polarisation de la société, d’un « nous contre eux » mortifère pour le débat public. Sommes-nous devenus à ce point sourds que nous ne puissions entendre ce qui se joue au-delà du périph ? Nina Fasciaux parlait de « mal entendus » au sujet des médias et de la démocratie.  Ce sont bientôt des « non-entendus » qui se profilent avec la mise à mal du tissu des médias associatifs locaux.  


Avec cette disparition programmée, c’est peut-être le dernier clou qu’une politique libérale, gestionnaire et irresponsable,  est en train de planter dans le cercueil de notre démocratie. Quelles réponses à la hauteur pouvons-nous y apporter ?


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