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Avec l'inflation, être écologiste devient-il un luxe ?

Dernière mise à jour : 12 oct. 2023

L’écologie n’est-elle que le monopole des riches ? Certaines initiatives tentent de prouver le contraire : consommer de façon plus raisonnée pourrait être accessible à tous. Plus encore, cela permettrait de faire des économies. Ces projets font la promesse de concilier mode de vie éthique et budget modeste. Mais tiennent-ils vraiment parole ?


Article de Radidja Cieslak

L’assiette à petit prix

Dans les coopératives, on propose des produits bio à moindre coût. Comme la chaîne de production est réduite, la marge l’est également. Alexandre, bénévole à Germinal, une coopérative en Bourgogne explique : “Déjà, on participe tous au bon fonctionnement du lieu. On donne de son temps chaque semaine, ça permet de réduire les charges. Ensuite, on est en contact avec les producteurs locaux, qui nous fournissent directement les produits.” En consommant local, on fait aussi des économies, car on achète de meilleurs produits. “Le pain du boulanger de la coopérative est fait avec du blé complet, des produits de qualité. Peut-être que c’est plus cher qu’une baguette classique, mais c’est beaucoup plus nourrissant et ça dure bien plus longtemps”, explique Alexandre.


L’inconvénient c’est que, pour bénéficier de tarifs préférentiels, il faut généralement consacrer un temps à la coopérative. Lorsque l’on travaille à temps plein, dans un métier prenant, il est compliqué de dégager quelques heures pour y contribuer. Par exemple, les 400 COOP, vaste réseau d’initiatives locales, demande à ses membres 3h de bénévolat mensuelles. Dans le cas de ce projet, le volume horaire n’est pas trop élevé. Leur volonté est de permettre au plus grand nombre de contribuer, au-delà des contraintes professionnelles.


Ensuite, des alternatives se mettent en place pour éviter le gaspillage alimentaire. Pour ça, certaines enseignes font des tarifs promotionnels sur les fruits et légumes plus abîmés. Pour en bénéficier, on peut se rendre sur des applications dédiées comme Too Good To Go. Lauren, étudiante, est une utilisatrice régulière de ces plateformes “Aujourd’hui par exemple, j’ai récupéré un panier de légumes qui me coûte 5€. J’ai des poivrons, des tomates, quelques fruits…” Dans la journée, elle regarde fréquemment les offres sur l’application et n’hésite pas à enfourcher son vélo pour récupérer des paniers garnis. “Quand on est étudiant, c’est toujours les fruits et légumes qui coûtent le plus cher. Alors même si ceux-là sont un peu mûrs, c’est de la récup donc ça évite de jeter et ça ne pèse pas sur mon budget.”


Ces applications nécessitent de la réactivité, car les produits doivent être récupérés rapidement. Il faut du temps et la possibilité d’arpenter la métropole en long et en large pour bénéficier pleinement de ce système. Sinon, il existe également des lieux de vente fixes, comme NOUS anti-gaspi, un réseau de supermarchés qui proposent des “produits bios et français sauvés du gaspillage alimentaire.” L’offre est plus diversifiée que sur les applications. Mais cela reste des produits haut de gamme, bio, qui ne seront pas accessibles à toutes les bourses.


Légumes issus d'un jardin partagé.
Ornements et autres parures écolo

Pour ce qui est de l’ameublement, il est possible de passer par les nombreuses plateformes de troc et de don existantes. Parmi celles-ci, il y a Geev ou MyTroc par exemple. Adèle, étudiante en Histoire de l’art a meublé tout son appartement avec cette application : “J’ai trouvé mon bureau et ça ne m’a rien coûté. Un canapé, des étagères pour l’entrée… Il faut juste rester à l'affût parce que les annonces partent vite. En même temps, c’est gratuit.” Sur les forums cependant, les avis des utilisateurs ne sont pas très élogieux. Pour cause, ces applications reposent sur un principe de confiance. Dans le cas de Geev, les gens donnent leurs biens, et attendent pour seule contrepartie le fait d’être présent pour récupérer l’objet. Or, la gratuité semble dispenser certains de cette courtoisie élémentaire. À nouveau, ces systèmes sont prometteurs, mais pour en tirer le meilleur, il faut avoir du temps à y consacrer. Pour remplir sa penderie, la seconde main est une option particulièrement économe. Les friperies sont le lieu privilégié, et proposent un choix très diversifié. Il est aussi possible d’acheter ses vêtements sur Vinted. “Quand je repère un vêtement qui me plaît dans un magasin, je prends sa référence et je vais tout de suite le chercher sur Vinted. Comme ça, j’évite d’acheter dans la fast-fashion, mais je peux quand même trouver des choses qui me plaisent”, raconte Dounia, vendeuse. La seconde main permet de faire de belles trouvailles à moindre coût, et on peut même y négocier les prix. Mais Vinted présente aussi des écueils. Certaines utilisatrices aguerries se fournissent dans la fast-fashion et revendent les vêtements à des prix plus élevés sur la plateforme. Certains usagers génèrent des revenus considérables grâce à cette application dont l'utilisation est très simple et rapide. Ils rejouent la partition de la fast-fashion en reléguant la dimension éthique de l’achat au second plan.


Comme les vêtements plus haut, ces livres sont de seconde main.

Ces initiatives sont parfois des solutions pour adopter un mode de vie plus raisonné. Cela peut être une façon judicieuse de faire des économies, à condition d’être un peu stratège dans sa façon de consommer. Seulement, il faut la possibilité d’investir du temps, ce qui n’est pas toujours aisé lorsque l’on est moins favorisé. Il faut passer quelques heures dans des projets associatifs, ou avoir la possibilité d’écumer la ville en quête de mobilier ou de courses à sauver de la benne. Les associations et projets à taille humaine ne négligent pas cet aspect, et tentent de s’adapter à toutes les bourses. Certains lieux coopératifs échelonnent les tarifs des adhésions en fonction des revenus par exemple.


Ce qui est plus complexe, ce sont les initiatives d’ampleur dont l’objectif peut être détourné, comme les plateformes de revente en ligne. Surtout, ces systèmes doivent être viables dans le contexte d’un marché concurrentiel. Leur modèle économique n’est donc pas vraiment orienté vers des objectifs éthiques. Cela étant dit, il semble qu’être écolo n’est pas encore un luxe tout à fait accessible, même avec toute la bonne volonté du monde.










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