top of page

La droite aussi est écolo ! (En tout cas, c'est ce qu'elle dit)

Le parti Les Républicains organisait le 10 octobre dernier une "nuit de l'écologie" assez intrigante, tant la droite semble s'être éloignée de cette thématique politique. Consciente de son retard, elle veut désormais incarner une écologie constructive qui ne fait "pas culpabiliser les Français".


Reportage de Benjamin Mathieu


Jean-Marc Jancovici en pleine présentation des enjeux énergétiques mondiaux, aux côtés de Antoine Vermorel-Marques, député de la Loire, et de Geoffroy Didier, député aux Parlement européen


La nuit est en train de tomber. C'est le moment choisi par l'équipe d'organisation pour ouvrir les immenses rideaux de la salle dans laquelle se tient cette "nuit de l'environnement" de la droite, dévoilant une vue sublime sur Paris et la Tour Eiffel. A l'intérieur de cette salle au dernier étage du parc des expositions, c'est ambiance futuriste avec néons aux couleurs vertes et bleues.


L'idée est de faire "jeune", et parmi les 250 participants à la soirée, ils sont effectivement présents. Parmi eux, une représentante de Réseau Action Climat, venue en curieuse, preuve que l'événement intrigue, au-delà du cercle de la droite. "Sur l'écologie, il doit aussi y avoir un débat gauche-droite. Mais il faut être très humble, on construit notre programme petit à petit. On ne va pas faire de greenwashing sur des mesures qui n'existeraient pas", explique Antoine Vermorel-Marques, jeune député LR de la Loire, qui s'est emparé de la matière au sein du parti.


C'est lui qui est à l'initiative de cette soirée, incarnant aussi une ligne plus jeune (il a trente ans) au sein d'une droite plus prompte à parler sécurité et immigration. Un cliché en train de changer. Dans un sondage réalisé par l'Institut Kantar auprès des sympathisants de droite et présenté lors de cette soirée, les enjeux environnementaux arrivent en quatrième position de leurs priorités, devant l'insécurité (mais derrière le pouvoir d'achat, l'immigration et la santé).

"Ça fait dix ans qu'on est plus au pouvoir, donc c'est normal qu'on nous entende moins sur ce sujet. Mais on essaie aussi de montrer que nos élus locaux font de l'écologie au quotidien, loin des feux des projecteurs, de manière pragmatique, peut-être différemment de la gauche, mais avec le même objectif, la décarbonation et l'adaptation. Reste à mettre un cadre idéologique et des propositions dedans", poursuit l'ancien attaché parlementaire de Damien Abad, élu en 2022.


"Et si on faisait moins culpabiliser les Français ?"

Effectivement, à la question posée par le secrétaire général délégué LR Geoffroy Didier, "qu'est-ce qu'une écologie de droite ?", les réponses apportées sont plus idéologiques que concrètes. La vidéo d'introduction projetée sur les grands écrans évoque "des discours caricaturaux de la décroissance". Et puis il y a cette interrogation : "Et si on faisait moins culpabiliser les Français ?" L'idée est de se démarquer de la gauche, considérée donc comme "caricaturale" sur le sujet. Eric Ciotti, le chef des Républicains, parle, lui, "d'un parti enfermé dans une case par les donneurs de leçons habituels" qui veut "combattre l’écologie punitive, celle des acronymes : ZFE, DPE, ZAN. Une écologie qui manque totalement son but en rendant une cause essentielle particulièrement impopulaire !"


Est-ce à dire que Les Républicains s'opposent aux zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles pour lutter contre la pollution de l'air, aux diagnostics de performance énergétique (DPE), pour lutter contre les passoires énergétiques, ou au zéro artificialisation nette (ZAN) visant à lutter contre l'étalement urbain ?


Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a donné un début de réponse en annonçant fin septembre vouloir sortir du dispositif zéro artificialisation nette. Une déclaration aussi choc qu'inutile puisque cette loi s'impose aux collectivités locales.

Conférence introductive du climatologue Robert Vautard, co-président du GIEC


"Des solutions plus malignes"

Eric Ciotti dénonce ensuite "le totalitarisme vert. C'est la tyrannie d'une idéologie qui aspire à régenter chaque recoin de la société et ne tolère aucune dissidence", assène-t-il. L'élu des Alpes-Maritimes plante le décor. "Nous devons leur refuser le monopole de l'écologie." Et il tente quelques pistes de réflexions, basées le plus souvent sur de nouvelles technologies autour de l'hydrogène, des hydroliennes ou des carburants de synthèse, sur un soutien massif au nucléaire et à la recherche. Le techno-solutionnisme comme boussole.


Pour du concret, il faut écouter les élus locaux, comme Jean-Philippe Vetter, conseiller municipal et euro-métropolitain de Strasbourg, qui annonce que la collectivité européenne d'Alsace veut planter un million d'arbres. François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, veut, lui, couvrir la France de ligne de "cars express" pour relier périphéries et métropoles. Yann Wehrling, vice-président de la Région Ile-de-France à la transition écologique, s'enorgueillit, lui, "d'avoir prouvé que la droite avait des solutions plus malignes" et d'avoir "fait baisser la pollution en Ile-de-France".


Des propos pourtant contredits par plusieurs condamnations de l’État. Lors d'une décision du Conseil d’État du 4 aout 2021, celui-ci estime que cinq zones enregistrent encore un taux de dioxyde d’azote supérieur aux seuils limites (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse et Grenoble). Lors d'une autre décision du 17 octobre 2022, ce même conseil explique que les chiffres montrent une amélioration globale de la situation, mais qu'ils restent fragiles ou mauvais dans quatre zones, notamment Paris, Lyon et Aix-Marseille.


"Les politiques actuelles ? Insuffisantes"

Si les propositions n'étaient pas vraiment au rendez-vous, la droite, sans ses têtes d'affiches absentes comme Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse ou Rachida Dati, accepte en tout cas de sortir de sa zone de confort sur le sujet. Au vu des interventions de Robert Vautard, co-président du GIEC, ou du très médiatique Jean-Marc Jancovici, qui, comme à son habitude, n'a pas mâché ses mots, cette "nuit de l'écologie" ressemblait plus à une formation accélérée au réchauffement climatique qu'à un programme concret sur le sujet du siècle.


La ligne en tout cas est claire, la droite veut s'emparer du débat sur l'environnement sans changer de paradigme et continuer à taper sur "l'écologie punitive". Peut-être que l'assistance n'a pas entendu cette phrase prononcée par Robert Vautard lors de son exposé : "Les politiques publiques actuelles nous conduisent vers un réchauffement de 3°, c'est largement insuffisant." Avec ce que propose actuellement la droite, on reste dans cet ordre de grandeur, loin des objectifs de l'accord de Paris.

bottom of page